samedi 28 février 2009

Combien d’eau pour produire les biocarburants?


Illustration – L’eau douce, une ressource à préserver. (photo : Wikimedia Commons)

Un des principaux arguments mis de l’avant contre les biocarburants est la grande consommation d’eau douce pour les produire, du moins avec les technologies actuelles. Mais, en procédant de la bonne manière, les voitures hybrides branchables de demain vont consommer moins d'un litre d'eau par jour.

Prenons une voiture intermédiaire qui consomme normalement 8 litres d’essence par 100 kilomètres. Si on la fait fonctionner avec de l’éthanol à 85% (E85), la plus forte concentration commerciale, on aura alors besoin de 11,2 litres de E85 (incluant 9,6 litres d’éthanol) pour parcourir 100 km. La plus grande quantité requise est due au fait que l’éthanol ne contient que les 2/3 de l’énergie chimique de l’essence, pour un volume donné.

Maintenant, si pour produire ce carburant E85 on prend du maïs du Nebraska, on sait que ce maïs nécessite 780 litres d’eau d’arrosage par litre d’éthanol produit (voir mon livre Rouler sans pétrole pour plus de détails). À cela s’ajoute environ 4 à 5 litres d’eau par litre d’éthanol pour les besoins de l’usine de fabrication. Au total, 785 litres d’eau sont requis pour chaque litre d’éthanol produit.

Ainsi, notre voiture intermédiaire traditionnelle fonctionnant à l’éthanol E85 au Nebraska consomme 7500 litres d’eau par 100 km. Cela représente environ 4100 litres d’eau par jour pour quelqu’un qui parcourrait 20000 km par année. On comprend dès lors très bien pourquoi plusieurs environnementalistes ne sont pas chauds à l’idée!

Mais avant de jeter le bébé avec l’eau du bain, regardons comment on peut en arriver à consommer moins d’un litre d’eau par jour!

Pour cela, il faut bien entendu utiliser des cultures énergétiques qui n’ont pas besoin d’arrosage, comme les hautes herbes sauvages des prairies, dont le panic érigé (switchgrass). Nous avons vu dans un autre billet que ces herbes sauvages ont des racines de 3 mètres de profondeur très efficaces pour capter l’humidité du sol.

Par ailleurs, nous avons vu également, dans un autre billet, que les voitures hybrides branchables avancées vont consommer 4 fois moins de carburant que les voitures traditionnelles lorsqu’elles fonctionneront en mode carburant. Mais, puisque ces voitures de demain parcourront 80% de leurs kilomètres à l’électricité, elles vont en fait consommer 20 fois moins de carburant.

Or, nous avons mentionné plus haut qu’une voiture intermédiaire traditionnelle fonctionnant avec de l’éthanol à 85% nécessite environ 10 litres d’éthanol par 100 km. Les voitures hybrides branchables avancées de demain vont donc en avoir besoin que de 0,5 litres/100 km, en moyenne (20 fois moins), ce qui correspond à 0,28 litres d’éthanol par jour pour un kilométrage annuel de 20000 km.

Finalement, les nouvelles usines d’éthanol vont réduire leur consommation d’eau à environ 3 litres d’eau par litre d‘éthanol produit, grâce à des nouvelles technologies comme, entre autres, celle développée par la compagnie québecoise Vaperma. Cette compagnie innovante a mis au point des filtres moléculaires qui permettent de séparer l’eau de l’éthanol sans avoir à utiliser la distillation. Ils peuvent ainsi économiser jusqu’à 45% de l’énergie normalement utilisée dans une usine d’éthanol, tout en consommant moins d’eau. La diminution des émissions de CO2 est considérable également.

Illustration – Filtre moléculaire de la compagnie Vaperma pour séparer l’eau de l’éthanol sans distillation. Les filtres sont constitués de membranes polymériques sous forme de fibres creuses qu’on regroupe pour constituer les cartouches de filtration.

Par ailleurs, pour les filières thermochimiques (pyrolyse, gazéification) les usines de fabrication de biocarburants consomment, quant à elles, moins de 2 litres d’eau par litre de biocarburant produit.

Il y a également une nouvelle filière «hybride» thermo-biologique mis de l'avant par la compagnie Coskata, qui utilise des microorganismes pour transformer le gaz de synthèse (mélange de CO, H2 et CO2), issu d'un procédé thermique (gazéification), en éthanol. Selon Coskata, le procédé consomme moins d'un litre d'eau par litre d'éthanol produit! C'est moins que pour l'essence. Pour arriver à de telles performances, Coskata n'utilise pas de distillation mais un procédé de filtration moléculaire pour séparer l'eau de l'éthanol, sans doute similaire aux filtres de Vaperma. De plus, le procédé Coskata ne comporte pas de séchage des résidus, comme on en retrouve dans les usines traditionnelles d'éthanol, pour fabriquer le tourteau vendu comme supplément alimentaire protéiné à l'industrie du bétail. La distillation de la bière (mélange fermenté) et le séchage des résidus sont les deux procédés qui consomment le plus d'eau, par évaporation.

Illustration – Procédé thermobiologique de fabrication d'éthanol de la compagnie Coskata (source: Coskata).

Au bout du compte, notre voiture hybride branchable avancée parcourant 20000 km/an (dont 16000 km à l’électricité) va consommer moins d’un litre d’eau par jour, en utilisant des biocarburants à base de hautes herbes sauvages ne requérant pas d’arrosage, et fabriqués avec les bonnes technologies!

Pour relativiser cette consommation d’eau de notre voiture de demain, il est intéressant de connaître la consommation d’eau par kilogramme pour différents aliments. Le tableau ci-dessous résume les résultats qu’on retrouve dans le livre de David Pimentel et M.H. Pimentel, Food Energy and Society, CRC Press, 2008. On y constate qu’on a besoin de 43000 litres d’eau pour produire 1 kg de bœuf, soit plus de 6000 litres d’eau pour un steak de 150 grammes! Ce n’est donc pas le litre d’eau par jour de notre voiture qui va mettre en péril nos ressources d’eau douce. La portion trop importante de viande dans notre alimentation, et particulièrement de viande rouge, est beaucoup plus inquiétante à cet égard…

Illustration – Nombre de litres d’eau requis pour produire un kilogramme de différents aliments, selon les travaux de David Pimentel, professeur d’écologie et d’agriculture à l’Université de Cornell.

mercredi 18 février 2009

Y a t’il suffisamment de lithium pour les batteries de 1 milliard de véhicules hybrides branchables?


Illustration – Récolte de sel dans le Salar d’Uyuni en Bolivie, la plus grosse réserve de lithium de la planète (source : Wikimedia Commons)

L’arrivée sur le marché de batteries Li-ion très performantes a été, sans conteste, l’élément déclencheur de la révolution imminente dans les transports routiers. Mais, y a t’il suffisamment de lithium pour équiper un milliard de véhicules sur la planète, à terme?

Pour y répondre, il faut savoir, tout d’abord, que selon le US Geological Survey (USGS) , les réserves de base de lithium sur la planète sont estimées à 11 millions de tonnes métriques. Mais ces estimés ne tiennent pas compte des réserves de l’Argentine que la compagnie Orocobre a fait connaître récemment (3 millions de tonnes). Un rapport très instructif sur les réserves mondiales de lithium et les marchés est disponible sur le site de cette compagnie. Ce rapport réalisé par Martin Place Securities peut être téléchargé en cliquant sur la «News» du 31 mars 2008 du projet Olaroz. Du côté des Etats-Unis, la compagnie Western Lithium effectue présentement l’expertise géologique d’un important dépôt argileux de lithium au Nevada, à King Valley. La réserve estimée est de 2,08 millions de tonnes de lithium (11 millions de tonnes de carbonate de lithium, Li2CO3) et elle n’est pas comptabilisée non plus dans l’évaluation du USGS. En actualisant l’évaluation USGS, on arrive donc a des réserves de base globales de 16 millions de tonnes de lithium.

Par ailleurs, le USGS rapporte une production annuelle mondiale de lithium de 25000 tonnes pour 2007. À ce taux d’exploitation, on en aurait pour plusieurs centaines d’années. Cette situation d’abondance et le très faible prix du lithium, jusqu’à récemment, n’ont évidemment pas stimulé l’exploration de nouveaux gisements. On peut donc s’attendre à ce que les réserves mondiales soient plus élevées que 16 millions de tonnes.

Maintenant, dans le rapport Martin Place Securities mentionné plus haut, on apprend que le taux de récupération du lithium à partir des réserves est de l’ordre de 50%, en moyenne. Ainsi, en comptant 16 millions de tonnes de réserves on aurait 8 millions de tonnes de lithium de disponible pour l’industrie.

Les réserves de lithium se retrouvent à 75% sous forme de sel, principalement du carbonate de lithium qu’on récupère à même des déserts de sel. Les principaux se retrouvent en Amérique du Sud (photo du début) et également au Tibet. Le carbonate de lithium est la matière première utilisée par l’industrie des batteries (5,3 kg de carbonate donnent 1 kg de lithium).

À présent, pour une voiture hybride branchable intermédiaire, une batterie donnant une autonomie de 100 km en mode électrique nécessite présentement de stocker 20 kWh d’énergie électrique. Par ailleurs, la compagnie LG Chem, qui fournit les batteries Li-ion pour la Chevy Volt de GM, via sa filiale Compact Power, nous dit sur son site (dans la section Technology à la page FAQ) qu’ils ont besoin de 140 g de lithium par kWh de batterie, ce qui donne 2,8 kg de lithium pour 20 kWh, que nous arrondirons à 3 kg. Rappelons qu’avec ce 3 kg de lithium, une voiture intermédiaire parcourt aujourd’hui 100 km en mode électrique.

Par ailleurs, les voitures hybrides avancées des années 2020 vont être plus légères, plus aérodynamiques et vont être équipées de groupes de traction à moteurs-roues consommant moins d’énergie. Ces voitures intermédiaires de demain vont consommer environ 12 kWh/100 km au lieu du 20 kWh/100 km mentionné plus haut (voir mon livre Rouler sans pétrole). C’est donc plutôt 2 kg de lithium par voiture qu’il faudrait compter à l’horizon 2025. Ainsi, pour un milliard de véhicules (il y en a 800 millions présentement sur la planète), on aurait besoin d’environ 2 millions de tonnes de lithium, soit le quart des réserves mondiales de base, disponible après extraction.

Il y a donc suffisamment de lithium sur la planète pour des voitures hybrides branchables. Mais, si on voulait aller vers des voitures tout électriques avec des batteries de 400 km d’autonomie, là on aurait des problèmes. Il sera toujours préférable d’utiliser la plus petite batterie possible pour parcourir 80% de nos kilomètres.

Maintenant, il faut bien réaliser que les batteries Li-ion sont recyclables à plus de 95%. Les réserves finies de lithium ne peuvent donc se comparer aux réserves finies de pétrole, qui lui est totalement perdu dans un moteur à combustion interne.

Certains critiques de la mobilité électrique font également miroiter qu’environ les 60% des réserves mondiales sont situées en Amérique du Sud et qu’on se retrouve dans une situation similaire au Moyen-Orient pour le pétrole. Mais, comme le lithium prend de la valeur, on n’a pas fini de découvrir des gisements un peu partout. Le seul gisement de King Valley au Nevada, contient suffisamment de lithium pour 500 millions de voitures intermédiaires avancées avec une autonomie de 100 km en mode électrique.

Illustration – Un projet d’exploitation minière de la compagnie Canada Lithium Corporation, près de Val d’or au Québec, pourrait produire suffisamment de lithium pour équiper tous les véhicules canadiens d’une batterie donnant une autonomie de 100km en mode électrique. (source : Cadada Lithium Corporation)

La compagnie Canada Lithium Corp. compte également exploiter une ancienne mine près de Val d’or au Québec. On pense pouvoir en sortir l’équivalent de 55 millions de kg de lithium, une quantité suffisante pour 25 millions de voitures intermédiaires avancées avec une autonomie de 100 km en mode électrique, de quoi combler tous les besoins des Canadiens.

lundi 16 février 2009

Où trouver les terres pour les biocarburants?


Illustration – L’industrie du bétail émet plus de gaz à effet de serre que tous les véhicules routiers de la planète. (photo : Wikimedia Commons)

Lorsqu’on parle de biocarburants, les gens craignent qu'on enlève des terres pour nourrir les humains et se disent que cela n’a pas de sens. Mais, essayons d’être objectifs et de s’élever au dessus de la mêlé pour «décompartimenter» notre gestion des terres sur la planète, et voir si on ne pourrait pas faire mieux.

Tout d’abord, selon un rapport des Nations-Unis publié en 2006, 70% des terres agricoles de la planète sont dédiées à l’industrie du bétail [H. Steinfeld et al., Livestock’s long shadow, Food and Agriculture Organization (FAO), Rome 2006]! Ces terres sont divisées en pâturages et en surfaces cultivées pour nourrir le bétail (33% des terres cultivées de la planète).

Par ailleurs, selon ce même rapport, l’industrie du bétail est responsable de 15% à 18% des émissions anthropogéniques de gaz à effet de serres (GES), exprimées en équivalent CO2. Mais, ce qu’il faut savoir c’est que l’ensemble des véhicules routiers de la planète sont responsables, eux, d’environ 12% à 13% des gaz à effet de serre (incluant les GES pour fabriquer les carburants). L’industrie du bétail émet donc PLUS de GES que les véhicules routiers!

Un autre élément à considérer également c’est qu'avec un hectare de terre arable on produit environ 25 kg de protéines animales de bœuf, alors qu’on produit 400 kg de protéines végétales de soya, 300 kg de protéines de riz et 150 kg de protéines de blé, avec ce même hectare. Sans compter que pour produire 1 kg de bœuf, ça prend plus de 40000 litres d’eau, soit plus de 6000 litres d'eau pour un steak de 150 grammes (voir le site de l’organisation Compassion In World Farming , en particulier le rapport The Global Benefits of Eating Less Meat, 2004)! L'excès de viande dans notre alimentation constitue donc un gaspillage éhonté de nos ressources planétaires en terre agricole et en eau douce, sans parler des autres ressources comme les carburants fossiles (gaz naturel pour les engrais et pétrole pour la machinerie).

Il faut connaître ces faits si on veut prendre des décisions éclairées quant à l’utilisation judicieuse de nos terres agricoles.

Dans mon dernier livre Rouler sans pétrole, je recommande de diminuer notre consommation de viande de 15% (un jour par semaine sans viande). Ce faisant, on libère plus de terres agricoles qu’on en a besoin pour produire en biocarburants l’équivalent de 5% des carburants pétroliers utilisés actuellement. Or 5% c’est tout ce qu’on a besoin, en provenance de cultures énergétiques, pour éliminer le pétrole des transports routiers (voir le billet précédent).

En terminant, il ne faut pas oublier qu’en réduisant un peu notre consommation de viande pour produire des biocarburants de deuxième génération, on diminue DOUBLEMENT les émissions de gaz à effet de serre, puisque l’industrie du bétail en émet plus que les véhicules routiers.

Des biocarburants à bilans carbone négatifs : 2- La polyculture d’herbes sauvages des prairies


Illustration – Les herbes sauvages des prairies ont des racines très fournies et profondes de 3 à 4 mètres. (source : United-States Department of Agriculture, la profondeur en mètres a été ajoutée par l’auteur de ce blogue)

Avec des carburants pétroliers, on prend du carbone qui était sous terre, on le brûle et on augmente ainsi constamment la teneur en CO2 de l’atmosphère. L’idée derrière les biocarburants est d’éviter d’émettre du CO2 en provenance de carbone piégé dans les formations géologiques («géocarbone») et d’utiliser à la place du «biocarbone» qu’on retrouve dans les plantes. On entre alors dans ce qu’on appelle le cycle du carbone, où le carbone qu’on envoie dans l’atmosphère, en brûlant les biocarburants, est réabsorbé par les plantes qu’on cultive pour fabriquer les biocarburants. Il ne s’en ajoute donc pas constamment dans l’atmosphère, dans la mesure où on n’utilise pas de carburants fossiles pour fabriquer les biocarburants. Dans ce cas, on dit que les biocarburants ont un bilan carbone neutre.

Cette situation idéale n’est pas atteinte en pratique, et on obtient un bilan positif d’émissions de CO2, avec une réduction plus ou moins grande des émissions par rapport aux carburants fossiles. Cette réduction est d’à peine 20% pour l’éthanol produit à partir de grains de maïs, et certains disent même qu’elle est nulle si on tient compte des gaz à effet de serre qu’il a fallu émettre pour produire la machinerie. Ajoutons à cela les problèmes de dégradation des sols et de pollution de l’eau, dus aux engrais et pesticides, et on comprend pourquoi plusieurs environnementalistes n’aiment pas les biocarburants.

Toutefois, les biocarburants de deuxième génération ont le potentiel de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 80% à 90%, en utilisant les plantes au complet au lieu de seulement les grains et les fruits, comme c’est le cas présentement. Mais, les problèmes de dégradation et d’érosion des sols par des monocultures intensives doivent également être pris en compte.

La Nature faisant bien les choses, les chercheurs étudient depuis quelques décennies l’avantage des cultures de hautes herbes sauvages des prairies, comme le Panic érigé (switchgrass en anglais). Tout d’abord, ces herbes étant vivaces, elles n’ont pas besoin d’être ressemées à chaque année, comme le maïs ou le soya. De plus, ces herbes ont des systèmes radiculaires très développés et profonds (illustration au début du billet). Grâce à ces deux particularités, les herbes sauvages des prairies protègent les sols de l’érosion, au lieu de l’amplifier comme le font les monocultures intensives de plantes annuelles en rangées.

Par ailleurs, les herbes sauvages des prairies n’ont pas besoin d’être arrosées, car leurs racines sont très efficaces pour récupérer l’humidité du sol, jusqu’à 3 ou 4 mètres de profondeur. Par comparaison, le maïs nécessite en arosage souvent plusieurs centaines de litres d’eau par litre d’éthanol produit.

Là ou la culture des herbes sauvages des prairies devient particulièrement intéressante, c’est lorsqu’on en cultive un mélange, incluant des plantes qui fixent l’azote. C’est ce qu’ont expérimenté les chercheurs de l’Université du Minnesota, pendant 10 ans, sur des terres dégradées. Ils ont cultivé 152 parcelles différentes de terrain comportant différents mélanges, allant jusqu’à 16 herbes différentes dans une même parcelle. Les résultats stupéfiants de leur étude ont été publiés en 2006 (Tilman, Hill et Lehman, revue Science, vol. 314, 8 décembre 2006, page 1598 à 1600).

Tout d’abord, les quantités d’engrais et de pesticides requises sont de beaucoup réduites par rapport au maïs et au soya, comme le montre le graphique ci-dessous, tiré de leur publication (couleurs ajoutées par l’auteur de ce blogue).
Le mot «Biomass» dans ce graphique représente le mélange à haute diversité (16 herbes différentes).

Maintenant, la surprise c’est que les biocarburants de deuxième génération issus de ces cultures à haute diversité auraient des bilans carbone fortement NÉGATIFS! C’est-à-dire qu’en plus d’éviter les émissions nettes de CO2 dans l’atmosphère (bilan carbone neutre), on retire littéralement du CO2 de l’atmosphère pour en réduire la concentration. La raison est bien simple, le carbone est stocké sous terre, en grande quantité, dans les racines. C’est un peu comme le charbon de bois de la Terra preta, enfoui par les aborigènes d’Amazonie (voir le précédent billet).

Toutefois, pour obtenir des bilans carbone fortement négatifs (-150% à -250%), il faut cultiver plusieurs herbes ensemble. Par exemple, les parcelles avec un mélange de 16 herbes stockent 31 fois plus de carbone dans le sol que les parcelles en monoculture!

Non, définitivement, les biocarburants de demain n’auront rien à voir avec ceux d’aujourd’hui, d’où l’importance de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Un développement durable des biocarburants est tout à fait envisageable, à condition de le faire intelligemment et de n’en produire que des petites quantités.

Dans mon dernier livre Rouler sans pétrole, je démontre que faire des cultures énergétiques pour produire l’équivalent en biocarburants de 5% des carburants pétroliers actuels serait suffisant pour ne plus consommer de pétrole dans les transports routiers. L’électricité des réseaux serait, bien entendu, le principal «carburant». On utiliserait également, pour les biocarburants, des déchets municipaux, des résidus forestiers et le recyclage des huiles et gras de l’industrie alimentaire, ce qui peut sans problème fournir l’équivalent de 2,5% des carburants pétroliers actuels, pour un total de 7,5% en biocarburants (incluant les cultures énergétiques dédiées).

samedi 14 février 2009

Des biocarburants à bilans carbone négatifs: 1-La leçon des anciens aborigènes d'Amazonie

Illustration – Micrographie d’un morceau de charbon de bois (biochar) montrant son extrême porosité, les petites faisant environ 1/100 de millimètre. C'est un milieu idéal pour retenir l'eau, les nutriments et les microorganismes, d'où l'augmentation de la fertilité des sols. (Source : Best Energies)

Depuis une dizaine d’années, les agronomes et environnementalistes s’intéressent de plus en plus à la Terra preta d’Amazonie, une terre noire extrêmement fertile qui résulte des pratiques agricoles étonnantes des anciens aborigènes.

Leur secret relevait du charbon de bois qu’ils enfouissaient dans le sol, d’où son nom Terra preta, en portugais. L’aspect poreux du charbon de bois, aussi appelé biochar, aide à retenir les nutriments, l’eau et les microorganismes. Ces particularités facilitent la croissance des plantes, et diminuent le besoin d’engrais tout en réduisant de plus de 50% l’émission de protoxyde d’azote, un gaz 300 fois plus actif pour le réchauffement planétaire que le CO2.

Pour produire le biochar, on utilise un procédé de décomposition thermique de la biomasse appelé pyrolyse, qui consiste à chauffer du bois ou des résidus végétaux dans une enceinte, en y raréfiant le plus possible l’oxygène. Il se dégage alors des gaz combustibles contenant, entre autres, de l’hydrogène et du méthane, qui sont utilisés en partie pour produire la chaleur requise par le procédé. Il se forme également, après traitement et refroidissement, une bio-huile, capable de remplacer le mazout pour le chauffage. On peut également transformer cette bio-huile en biocarburants plus adaptés aux transports, comme le diesel et l’essence synthétiques, où encore l’éthanol. On obtient alors des biocarburants de deuxième génération.


Maintenant, lorsqu’on enfouit le biochar, en plus de fertiliser les terres, on séquestre dans le sol le CO2 de l’atmosphère qui avait été absorbé par les plantes. On contribue ainsi à retirer des gaz à effet de serre, un bonus particulièrement recherché ces temps-ci!. La combinaison biochar enfoui et production de biocarburants confère donc à ces biocarburants un bilan carbone négatif, ce qui est encore mieux qu’un bilan neutre. Le Professeur Lehmann de l’Université Cornell estime qu’en mettant en place ces pratiques à grande échelle, on pourrait à la fois produire des biocarburants et retirer annuellement 9,5 milliards de tonnes de carbone de l’atmosphère d’ici 2100. C’est plus que ce qu’on émet aujourd’hui en brûlant des carburants fossiles à l’échelle de la planète!

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site francophone Terra preta , et le site anglophone The International Biochar Initiative (IBI), où l’on retrouve l’illustration du procédé de pyrolyse plus haut. Par ailleurs, le vidéo suivant est un excellent documentaire sur le sujet.


jeudi 12 février 2009

Le transport des marchandises en mobilité durable


Illustration – Camionnette Transit Connect EV de Ford présentée au Salon de l’auto de Chicago cette semaine. Elle sera commercialisée en 2010 (photo : Ford)

Cette semaine, Ford a annoncé que son premier véhicule tout électrique sera la camionnette Transit Connect EV, promis pour 2010. (photo ci-haut). Ils s’associent pour ce nouveau produit à la compagnie anglaise Smith Electric Vehicles déjà bien implantée, et qui offre toute une gamme de camions électriques, comme on peut le constater sur leur site.

Ford ne donne pas de précisions sur les performances de la camionnette, mais puisqu’elle correspond au modèle Ampère de Smith, on sait qu’Ampère peut rouler jusqu’à 110 km/h et parcourir jusqu’à 160 km sur une pleine charge de sa batterie Li-ion, ce qui devrait se traduire dans la vraie vie à une autonomie de 100 à 120 km.

En fait, le transport urbain des marchandises est probablement le secteur dont les véhicules vont s’électrifier les premiers. En effet, les véhicules n’ont pas besoin de rouler à plus de 90 km/h ni de parcourir des distances supérieures à 150 km par jour environ. De plus, les véhicules reviennent à l’entreprise tous les soirs, où l’on peut facilement recharger leur batterie. La compagnie TNT, la plus grosse compagnie de courrier rapide en Angleterre, a bien compris puisqu’ils ont acheté, en 2007 et 2008, 150 camions Newton de 7,5 tonnes, de la compagnie Smith Electric Vehicles (illustration ci-dessous).

Illustration – Un des 150 camions électriques Newton de Smith achetés en 2007 et 2008 par la compagnie de courrier rapide TNT en Angleterre. (photo : TNT)

Le transport interurbain des marchandises est plus difficile à électrifier en raison des camions semi-remorques qui parcourent souvent 800 km par jour tout en consommant beaucoup plus qu’un véhicule léger. Dans Rouler sans pétrole, je démontre que les camions semi-remorques hybrides de demain pourront consommer 3 fois moins de carburant qu’aujourd’hui. Pour y arriver, il faudrait compter sur l’hybridation, un moteur thermique 25% plus efficace, une meilleure aérodynamique (figure ci-dessous), des moteurs-roues électriques, et la réduction de la vitesse sur autoroutes à 95 km/h. Après, avoir réduit la consommation d’énergie d'un facteur 3 on pourrait équiper les camions semi-remorques de 2 à 3 tonnes de batteries Li-ion performantes, ce qui leur permettrait de parcourir environ 300 km à l’électricité. Avec des batteries au titanate de lithium, il serait possible de les remplir en moins de 20 minutes à une station de recharge d’un million de Watts (1 MW). Pour référence, l’électricité est transférée à un TGV avec une puissance de 9 MW environ.

Illustration – Camions conçus par Luigi Colani (Source : Wikimedia Commons, auteur : Wikipedia-ce, août 2005)

Par ailleurs, dans un contexte de rareté énergétique, il est souhaitable que les gens consomment davantage localement, ce qui réduira le nombre de camions sur les routes. De plus, le coût élevé du pétrole en 2008 a suscité des coopérations entre les entreprises de transport, qui font désormais de plus en plus de cocamionnage lorsque leurs camions ne sont pas pleins, ce qui, là encore, réduit le nombre de camions sur les routes. Enfin, on peut également détourner une partie des semi-remorques via les trains. C’est le principe du ferroutage, de plus en plus populaire en Europe, où les trains fonctionnent en bonne partie à l’électricité.

Illustration – Gare intermodale de ferroutage entre le Luxembourg et Perpignan, gérée par la compagnie française Lorry Rail (Source : Lorry Rail)

En terminant, il ne faudrait pas oublier qu'on peut également faire du transport de marchandises à l'électricité grâce au monorail à grande vitesse dont j'ai parlé dans mon billet du 9 février 2009.

mercredi 11 février 2009

Combien d’électricité en plus pour les réseaux?


Illustration – Graphique tiré de mon livre Rouler sans pétrole, montrant le pourcentage d’énergie électrique supplémentaire requis dans différents endroits, pour que les véhicules parcourent 70% des kilomètres en mode électrique.

Lorsqu’on aborde le sujet des véhicules hybrides électriques branchables, les non initiés mettent toujours de l’avant la crainte de manquer d’électricité. Mais il ne faut pas oublier que cette transition vers la mobilité principalement électrique va se faire graduellement, sur 20 à 25 ans, et constituer une opportunité unique de stimuler les économies locales.

Pour ce qui est des quantités supplémentaires d’électricité requises, les calculs sont expliqués dans mon livre Rouler sans pétrole (et corroborés par une autre étude), en supposant que 70% du kilométrage des véhicules soit parcouru à l’aide de l’électricité. Les résultats sont donnés sur le graphique plus haut. Les valeurs supérieures correspondent aux technologies qui seront commercialisées d’ici quelques années, alors que les valeurs inférieures font références aux technologies matures, moins énergivores, qui seront disponibles à grande échelle après 2020.

On constate que le Québec est un endroit très privilégié, puisque l’électricité supplémentaire requise est de l’ordre de 7% seulement d’ici disons 2030. On pourrait facilement obtenir cette quantité en misant sur une efficacité énergétique accrue. Une autre option intéressante serait de d’installer du chauffage par thermopompes géothermiques pour la moitié des résidences et bâtiments. On économiserait ainsi le 7% de l’électricité dont on a besoin. Si le pourcentage d’électricité supplémentaire est si faible au Québec, c’est que les Québécois disposent de 3 fois plus d’électricité par habitant que les Français et que les Californiens, et deux fois plus que la moyenne des Étatsuniens. De plus, L’électricité au Québec est très bon marché et non polluante (95% de centrales hydroélectriques).

Enfin, pour ceux qui craindraient quand même qu’Hydro-Québec n’autorise pas la recharge des batteries (avec des bornes intelligentes) les quelques jours d’hiver où il fait moins -35°C, il ne faut pas oublier qu’il n’y a aucun problème avec une voiture hybride branchable, puisqu’elle peut tout aussi bien fonctionner avec son moteur thermique.


Illustration – Le vent peut fournir une partie importante de l’électricité supplémentaire requise. (photo: Wikimedia Commons, auteur: Kapipelmo, avril 2008)

Si on prend les États-Unis maintenant, c’est environ 22% d’électricité supplémentaire qu’il faudrait pour alimenter les véhicules. Mais comme 70% de leur électricité provient de centrales au gaz naturel et au charbon, ces centrales sont fortement sous-utilisées la nuit, et pourraient l’être en partie pour recharger les véhicules, sans construire de nouvelles centrales.

Par ailleurs, installer des panneaux solaires sur les toits des édifices au sud des Etats-Unis, afin de recharger les véhicules branchables, coûte moins cher que d’acheter de l’essence pour un véhicule traditionnel. Il est très pensable également d’ajouter 15% à 20% d’énergie éolienne d’ici 20 ans. De plus, avec les nouvelles technologies de stockage de la chaleur dans du sel fondu, on peut désormais construire des centrales solaires thermiques qui fonctionnent 24 heures par jour, et ce ne sont pas les zones arides ensoleillées qui manquent aux Etats-Unis. Les ingénieurs de la compagnie Ausra ont calculé qu’il suffirait de couvrir un carré de 150 km de côté dans le désert pour fournir toute l'électricité consommée aux Etats-Unis. Enfin, la compagnie Raser vient d’ouvrir une centrale géothermique d’un nouveau genre, fonctionnant 24 heures par jour, et utilisant de l’eau à plus basse température que les centrales géothermiques traditionnelles. Ils estiment que plus de 10% de l’électricité des Étatsuniens pourrait être générée par la géothermie. Ajoutons à cela l’efficacité énergétique pour les bâtiments, des véhicules plus petits, et plus de transport en commun, et on réalise que le seul problème est la volonté politique, pas le supplément d’électricité requis. Heureusement, avec le président Obama cette situation semble être une chose du passé.

En terminant, il ne faudrait pas oublier que les pays qui vont implanter des énergies renouvelables pour augmenter la capacité de leur réseau vont stimuler leur économie locale. Car, ils vont financer ces travaux à même l’argent économisé suite à leur importation réduite de pétrole, leur sauvant ainsi des dizaines de milliards de dollars annuellement.

4 fois moins de carburant sans utiliser l’électricité du réseau


Illustration – Graphique montrant les diminutions de consommation de carburant d’une voiture hybride avancée, par rapport à une voiture traditionnelle d’aujourd’hui consommant 100 unités de carburant.

Pour ceux qui ont lu mes billets précédents, vous savez que la voiture de demain (d’ici 2030) est une hybride électrique branchable. Dans les lignes qui suivent, vous verrez que lorsque cette voiture va fonctionner en mode carburant, après avoir épuisé l’électricité du réseau stockée dans sa batterie, cette voiture hybride branchable de demain va consommer 4 fois moins de carburant, en moyenne, que les voitures traditionnelles d’aujourd’hui. Pour la suite, référez-vous au graphique plus haut.

Tout d’abord, les experts s’entendent pour dire qu’une hybridation performante robuste avec un moteur électrique central peut diminuer la consommation de carburant du tiers. Pour ce faire, il faut employer des batteries Li-ion dont l’efficacité atteint aujourd’hui plus de 98%, et des moteurs électriques à haute efficacité également (certains atteignent 96% aujourd’hui). Pour comparaison, les batteries Ni-MH, comme celles de la Prius, sont efficaces à environ 75%.

Dans un deuxième temps, on peut diminuer encore du tiers la consommation en carburant de la voiture hybride, en améliorant son moteur thermique à l’aide de différentes technologies. Le tableau ci-dessous en énumère plusieurs. Les trois premières (en orangé) sont assez indépendantes l’une de l’autre et peuvent donner ensemble une diminution de consommation s’approchant de 25%. Les autres technologies énumérées contribuent toutes à une meilleure combustion et ne peuvent simplement être additionnées, car elles sont en compétition l’une avec l’autre. Je reviendrai ultérieurement sur certaines de ces technologies, mais pour les impatients vous pouvez toujours consulter mon livre Rouler sans pétrole, où vous trouverez les détails et les références. Par ailleurs, n’oublions pas que le seul fait de passer d’un moteur à essence à un moteur diesel diminue la consommation de l’ordre de 20%.



En plus des multiples perfectionnements qu’on peut apporter aux moteurs thermiques à pistons, la voiture hybride branchable de demain constitue une opportunité extraordinaire pour essayer de nouveaux types de moteurs thermiques rotatifs plus économes, comme potentiellement la Quasiturbine de Gilles Saint-Hilaire, ou le moteur Radmax de Reg/Regi Technologies. L’idée est que ces moteurs vont être utilisés tout au plus 75 000 km sur la durée de vie de la voiture, puisque la majorité des kilomètres seront parcourus à l’électricité. La contrainte de durabilité est donc beaucoup moins sévère. De plus, ces moteurs rotatifs sont environ 4 fois plus légers et plus compacts que des moteurs à piston, tout en ayant beaucoup moins de pièces mobiles. Ils devraient donc être moins chers. De tels moteurs n’auraient qu’à actionner un générateur pour recharger la batterie, sans être connectés mécaniquement aux roues.


Illustration – Représentation 3D des différents composants d’une Quasiturbine à chariot, inventée par le physicien québécois Gilles Saint-Hilaire.

Maintenant, dans la poursuite de la réduction de consommation de carburant, si on se réfère encore au graphique du début, on voit qu’on peut la réduire de 25% de plus en jouant sur le poids de la voiture, l’aérodynamique et les pneus. Une réduction réaliste de 30% du poids s’accompagne d’une diminution de consommation d’environ 18%. Or, 30% est un chiffre réaliste, car la compagnie Fisher Coachworks vient d’annoncer la mise en marché prochaine d’un autobus hybride branchable, le GTB-40, 40% plus léger que les autobus traditionnels. Pour atteindre le 25% de réduction de consommation de notre voiture, on peut également utiliser des pneus à faible résistance au roulement pouvant diminuer la consommation de 2% à 5%. Le reste du 25% est obtenu en prenant soin du profil aérodynamique de la voiture.

Arrivé là, nous avons une voiture hybride branchable avancée, à moteur électrique central, qui consomme 3 fois moins de carburant qu’une voiture traditionnelle d’aujourd’hui, lorsqu’elle fonctionne en mode carburant.

La dernière étape dans notre scénario de réduction de consommation est d’équiper notre voiture hybride branchable de 4 moteurs-roues. Ces derniers lui conféreront une réduction additionnelle de 25% de la consommation de carburant, en conduite mixte, comme nous l’avons vu dans le billet précédent. On obtient alors, en bout de ligne, la réduction d’un facteur 4 mentionnée dans le titre de ce billet. La consommation d'une voiture intermédiaire hybride avancée serait donc de 2 à 2,5 litres/100 km.

Par ailleurs, si les voitures hybrides branchables avancées font 80% de leur kilométrage à l’électricité, ces voitures vont consommer 20%÷4 = 5% du carburant des voitures d’aujourd’hui, soit 20 fois moins dans une année! Avec des petites quantités comme celles-là on peut envisager sans problèmes un développement durables des biocarburants de deuxième génération, fait à partir de déchets, résidus et plantes NON alimentaires. Nous en reparlerons.

La grande importance des moteurs-roues


Illustration - Représentation d'un moteur-roue semblable à ceux développés par l'équipe de Pierre Couture à Hydro-Québec et présenté au public en 1994. L'auteur de ce blog l'a dessiné à partir d'information publique contenue dans les documents publicitaires et les brevets.

Les Québécois de plus de 30 ans se souviennent avoir vu à la télévision, en 1994 et 1995, une voiture expérimentale révolutionnaire équipée de moteurs-roues électriques très performants. Il s’agissait d’une Chrysler Intrepid modifiée par les chercheurs d’Hydro-Québec, sous la direction du docteur Pierre Couture, un physicien génial, en avance sur son temps, l’inventeur principal de ce groupe de traction inégalé à ce jour. La conférence de presse pour annoncer cette technologie révolutionnaire s'est tenue le premier décembre 1994. Pour voir le matériel promotionnel distribué ce jour-là cliquez ICI, et pour lire la transcription de l'allocution de Pierre Couture expliquant la technologie cliquez ICI et téléchargez l'épisode 2-29 du volume 2 de mon ouvrage Sur la route de l'électricité.

L’idée de base était de faire de l’Intrepid une voiture hybride branchable. En rechargeant la batterie le soir chez soi, le propriétaire de la voiture aurait pu parcourir 65 km en mode électrique à chaque jour, sans consommer de carburant. Pour les trajets plus longs que 65 km, un petit moteur-générateur thermique aurait rechargé la batterie en cours de route, conférant à la voiture une autonomie similaire à celle d’une voiture traditionnelle. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui une voiture hybride série, dont le moteur à carburant n’est pas connecté mécaniquement aux roues. Par ailleurs, comme 80% des gens font moins de 65 km par jour avec leur voiture, en moyenne, la grande majorité de leur kilométrage se serait fait à l’électricité. C’est ce concept que GM a repris dans sa Chevy Volt, qui devrait être commercialisée en 2011. Toutefois, la Chevy Volt n’est pas équipée de moteurs-roues, mais d’un moteur électrique central, sous le capot, ce qui rend la voiture plus lourde, plus chère et laisse moins d’espace disponible.

Malheureusement, en 1995 Hydro-Québec a pris une décision totalement incompréhensible de réduire de façon importante son projet de développement du groupe de traction Couture, ce qui a conduit à la démission de son inventeur en 1995. Pierre Couture n’a plus jamais travaillé sur ce projet depuis. La compagnie TM4, une filiale d’Hydro-Québec qui devait commercialiser le groupe de traction à 4 moteurs-roues, d’où son nom d’ailleurs, a arrêté, à toute fin pratique, le développement du moteur-roue, pour faire des moteurs électriques centraux, comme tout le monde. Les lecteurs désireux d’en connaître davantage sur cette saga désolante du moteur-roue d’Hydro-Québec sont invités à consulter mon dernier livre Rouler sans pétrole.

L’auteur de ce blog est absolument convaincu que le groupe de traction Couture à 4 moteurs-roues est toujours le meilleur et que c’est le groupe de traction de l’avenir. Voici pourquoi.

Tout d’abord, en regardant l’illustration plus haut, on constate que les aimants permanents (en vert et orangé) sont collés très près de la jante de la roue, ce qui confère au moteur un grand diamètre (38 cm environ) et augmente la force de même que la puissance des moteurs. Il y a bien sûr d’autres innovations imaginées par Pierre Couture qui contribuent à donner à ses moteurs-roues une efficacité supérieure à 96%, tout en ayant une puissance de plus de 100 kW par moteur et un couple («force») de 1200 N.m pour chaque moteur, ce qui était 2,5 fois plus qu’un moteur de Corvette de l’époque! La puissance totale avec 4 moteurs-roues aurait dépassé 400 kW et le couple total 4800 N.m, de quoi propulser la Chrysler Intrepid de 0 à 100 km/h en 3 secondes, selon les calculs de Pierre Couture !!

Les performances de ces moteurs-roues ont été validées en laboratoire, mais au moment de la démission du docteur Couture, seulement 2 moteurs-roues étaient installés sur l’Intrepid et l’électronique de puissance n’était pas encore terminée, d’où l’incapacité de faire les tests complets sur route. Toutefois, l’illustration ci-dessous nous montre un des tests extérieurs où les roues motorisées tournent sur place en brûlant le caoutchouc des pneus. Une telle performance n’était pas possible avec le gros moteur V8 original de la Chrysler Intrepid.



Illustration - Images tirées de l'émission Découverte de Radio-Canada, présentant un reportage sur le moteur-roue réalisé en 1997. (photos: Archives de Radio-Canada)

Maintenant, le but d’avoir des performances aussi stupéfiantes n’était pas d’épater la galerie mais de récupérer le plus d’énergie au freinage, même en freinant brusquement. Avec quatre bons moteurs-roues et de bonnes batteries on peut récupérer près de 90% de l’énergie cinétique de la voiture lorsqu’on freine. Les moteurs agissent alors comme des freins électromagnétiques qui produisent du courant et rechargent la batterie. C’est ce qu’on appelle le freinage regénératif. Dans une voiture traditionnelle, l’énergie cinétique est perdue en chaleur dans les freins mécaniques. Dans une voiture électrique à moteur central on récupère de l’ordre de 20 à 25% maximum de l’énergie cinétique, car le moteur électrique n’est connecté qu’à deux roues, et derrière un différentiel de surcroît. Or une voiture doit freiner aux quatre roues, et dans une voiture électrique à moteur central on doit ajouter des freins mécaniques aux deux roues motorisées, car on ne peut freiner derrière un différentiel uniquement. En effet, si une des deux roues est sur la glace, l’autre se mettrait à tourner rapidement et le conducteur risquerait de perdre le contrôle de la voiture.

De plus, avec quatre moteurs-roues, il n’y a pas de différentiel ni de transmission d’ailleurs. C’est un entraînement direct, et il n’y a aucune perte d’énergie entre le moteur et les roues, comme c’est le cas dans une voiture à moteur central. Voilà une deuxième raison pour laquelle les moteurs-roues consomment moins d’énergie.

Par ailleurs, puisque la consommation d’énergie est plus faible, on peut réduire la grosseur de la batterie, du moteur-générateur et du réservoir de carburant. Sans compter que les moteurs-roues eux-mêmes sont plus légers qu’un moteur central de puissance équivalente, puisque leurs structures extérieures remplissent une double fonction, en servant également de structure de soutien aux roues. L’allègement de la voiture constitue donc une troisième cause de réduction pour la consommation d’énergie.

Maintenant, le fait qu’avec des moteurs-roues il n’y ait pas de moteur sous le capot permet d’effiler ce dernier et de fermer le dessous de la voiture en avant. Ces modifications à la carrosserie de la voiture améliorent l’aérodynamique et apportent une quatrième contribution à la réduction de consommation d’énergie.

Ces quatre facteurs combinés donnent une consommation d’énergie des voitures à moteurs-roues environ 35% inférieure à celle d’une voiture électrique à moteur central pour une conduite urbaine, et de l’ordre de 15% inférieure pour une conduite sur l’autoroute. En conduite mixte, on obtient donc une réduction de consommation de l'ordre de 25 % attribuable aux moteurs-roues. C'est une grosse différence, particulièrement pour les voitures urbaines, les camions de livraison et les autobus! Cette réduction de la consommation fait baisser non seulement les coûts d'opération mais également le coût d'achat des véhicules, puisque la batterie (très coûteuse) et le moteur thermique (pour les véhicules hybrides branchables) peuvent être réduits de taille considérablement. De plus, les véhicules à moteurs-roues ont plusieurs composantes en moins (pas de différentiel, pas de transmission, pas de cardans, pas de sytème mécanique de freinage ABS).

Par ailleurs, non seulement les voitures à moteurs-roues sont les plus économes en énergie mais elles sont en même temps les plus puissantes, ce qui, en soi, représente un changement important de paradigme. James Bond et Al Gore pourraient faire du covoiturage ensemble dans une voiture à moteurs-roues et les deux seraient très heureux!

En terminant, il serait bon de mentionner quatre autres avantages des moteurs-roues qui ne sont pas liés à la consommation d’énergie. Le fait qu’il n’y ait pas de moteur sous le capot augmente la zone d’écrasement (crunching zone) du métal lors d’un impact frontal, ce qui améliore la sécurité des passager en diminuant la brutalité du choc. Par ailleurs, l’absence de moteur sous le capot donne beaucoup plus de flexibilité au designer pour aménager les espaces. De plus, avec quatre moteurs-roues, on peut intégrer un système antirérapage par logiciel, de même qu'un système de freinage anti-bloquage ABS par logiciel également. Enfin, le conducteur dispose de quatre roues motrices, ce qui est très apprécié l'hiver dans les pays nordiques, de même que par ceux qui ont à circuler sur des routes de terre.

Dans un futur billet je parlerai des divers véhicules à moteurs-roues qui ont été présentés par divers fabricants.

mardi 10 février 2009

Les autobus électriques biberonnés


ILLUSTRATION - L'ancêtre des autobus biberonnés, le Gyrobus de la compagnie Oerlikon, utilisé en Suisse au début des années 1950. L'énergie électrique acquise pendant les 70 secondes de recharge à tous les 2 km s'accumulait dans un volant d'inertie. L'illustration est celle de la page couverture le l'ancienne revue Science and Mechanics du mois d'avril 1954.

Comme nous l’avons vu dans mon billet du 8 février 2009 sur l’épuisement des ressources planétaires, le développement durable du transport des personnes passe par des transports en commun beaucoup plus développés qu’aujourd’hui.

Les véhicules tout électrique sont idéaux pour la qualité de vie (pas de pollution et peu de bruit). Déjà les métros, les tramways et les trolleybus sont en fonction dans plusieurs villes. Mais les autobus demeurent une composante très importante des transports en commun urbains. On voit de plus en plus d’autobus électriques à batterie faire leur apparition, comme la petite flotte de minibus électriques mis en place dans le vieux Québec en 2008, mais leur autonomie est limitée à environ 100 km en raison du coût et du poids des batteries.

Avec l’avènement des batteries à recharge très rapide au titanate de lithium, depuis 2007, il est désormais possible d’avoir des autobus électriques biberonnés. Ces autobus vont faire le plein d’électricité à intervalles réguliers, le long de leur trajet, en se connectant à des postes de recharge rapide pendant moins d’une minute à tous les 5 km.

L’avantage du biberonnage est qu’on n’a pas besoin de fils aériens au-dessus des rues, comme pour les trolleybus, ni de rails comme pour les tramways. Le coût des infrastructures s’en trouve réduit d’autant, ainsi que le coût des batteries puisqu’une autonomie d’environ 20 km est suffisante. Un système d’autobus électriques biberonnés offre également plus de flexibilité, car on peut changer de parcours facilement, ce qui n’est pas le cas des tramways ou des trolleybus, qui doivent suivre leurs tracés pour être alimentés en électricité.

Si on veut augmenter la capacité de transit d’un système d’autobus et s’approcher du tramway, il suffit de faire circuler les autobus dans des voies dédiées où n’ont pas accès les autres véhicules. C’est le concept du busway, de plus en plus populaire car moins cher que le tramway. La ville de Nantes en France, entre autres, vient d’en installer une ligne très populaire en novembre 2006. Les busways actuels utilisent des autobus traditionnels articulés (120 passagers par rame) roulant au diesel ou au gax naturel. La prochaine étape logique serait des busways électriques biberonnés.

Le principe du biberonnage n’est pas nouveau. On l’a essayé en Suisse au début des années 1950 avec le Gyrobus, construit par la société Oerlikon (illustration au début de ce billet). À cette époque, il n’y avait évidemment pas de batteries à recharge rapide de longue durée comme aujourd’hui. Le système de stockage d’énergie utilisé était un volant d’inertie mis en rotation rapide (3 000 tours/min.).

Par ailleurs, la compagnie Suisse Numexia developpe présentement des petits véhicules électriques autonomes biberonnés (recharge en 5 secondes à des postes régulièrement espacés) pour le transport en commun des passagers, sans conducteurs (illustration ci-dessous). Le système sera installé en Suisse, sur le site de l’École polytechnique fédérale de Lausanne en 2010, et desservira un parcours de 4,6 km. Il utilisera 30 petits véhicules et 15 stations de recharge rapide sans contact. Ce système de transport innovant a été présenté à l'émission de télévision Nouvo sur la chaîne TSR en Suisse.



En Californie, la compagnie Proterra vient de présenter en février 2009 son autobus EcoRide BE35 tout électrique (illustration ci-dessous) capable de parcourir 50 km à 60 km sur une recharge de sa batterie au titanate de lithium de Altairnano. La batterie peut être rechargée en moins de 10 minutes grâce à un chargeur à haute puissance également vendu par Proterra. L’autobus est également disponible en version hybride branchable, lui donnant alors la même autonomie qu’un autobus traditionnel. C’est une étape intermédiaire très intéressante avant les véritables autobus électriques biberonnés.


lundi 9 février 2009

Des monorails à moteurs-roues au lieu des TGV


ILLUSTRATION - Vision artistique du monorail à moteurs-roues imaginé par Pierre Couture dans las années 1990, tirée de mon dernier livre Rouler sans pétrole. (Dessin: Paul Berryman)

L’auteur de ce blog ayant vécu en France pendant deux ans sait à quel point les TGV sont confortables et plus rapides que l’avion pour des parcours inférieurs à 1000 km, si on tient compte des pertes de temps aux aéroports et des trajets entre les aéroports et les centres-ville.

Mais, l’implantation d’une ligne de TGV coûte environ 15 millions d’euros/km (15 M€/km) en France, soit 23 M$ CAN/km. Dans les pays nordiques comme le Canada, il faut des assises plus profondes à l’épreuve du gel et du dégel, et la facture pourrait bien monter à plus de 30 M$/km. Le coût d’un TGV entre Québec et Montréal (250 km) pourrait donc dépasser 7,5 milliards de dollars. Pour rentabiliser de telles infrastructures il faut une grande densité de population, alors qu’au Canada, les villes populeuses sont peu nombreuses et très distancées.

Ce problème du transport en commun interurbain rapide, Pierre Couture, l’inventeur du moteur-roue moderne (à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec en 1994) y a longuement réfléchi. Il aboutit à un concept tout à fait révolutionnaire. Jugez-en par vous-même.

Afin de minimiser les travaux d’assise des voies qui doivent résister au gel, la solution proposée par Pierre Couture est de construire un monorail ultraléger, à deux voies, dont la structure est supportée par des poteaux simples se terminant en Y. Les wagons autonomes, suspendus et motorisés par 16 moteurs-roues, sont capables de transporter une soixantaine de passagers et voyagent séparés l’un de l’autre, à une vitesse de 250 km/h environ. Pour éviter d’avoir à exproprier des terrains pour les lignes, les rails sont disposés entre les deux chaussées des autoroutes ou le long des emprises pour les rails des trains. Les surfaces utilisées au sol sont à peine de quelques mètres carrés à tous les soixante mètres. Pour les virages trop serrés, il suffirait de déborder légèrement des tracés et d’incliner les travées. Les roues étant équipées de pneus en caoutchouc, elles offrent une meilleure adhérence que les roues en fer des trains, ce qui permet au monorail de gravir les pentes des autoroutes et d'enjamber les viaducs. La travée étroite sur laquelle roulent les moteurs-roues est recouverte et englobée par une enceinte légère, suffisamment en pente pour que la neige ne s’y accumule pas.

À bien y penser, ce monorail léger et rapide à moteurs-roues, imaginé par Pierre Couture, serait très avantageux un peu partout sur la planète, pas seulement dans les pays froids. Surtout que le coût des infrastructures est au moins 3 fois moins élevé que celui d’un TGV, compte tenu du faible travail du sol, de l'absence d'expropriation, et de la construction automatisée des structures en usine, 12 mois par année ! On pourrait mettre ces monorails au point seulement avec l’argent économisée en implantant une ligne de 250 km, puisque cette ligne coûterait environ 5 milliards de dollars de moins que pour un TGV ! Par la suite, la commercialisation de cette technologie ferait vite récupérer les investissements.

Ces monorails légers et rapides seraient idéaux également pour relier les centres-villes aux aéroports, ou désengorger les ponts à l’heure de pointe, en accrochant les rails aux structures latérales des ponts. Les gens qui habitent la rive sud du fleuve Saint Laurent et qui vont travailler sur l’île de Montréal apprécieraient un tel service de transport en commun, beaucoup moins cher qu’un métro sous le fleuve.

Avis aux gens de chez Bombardier qui vont voir chuter l’industrie aéronautique dans les années qui viennent, et qui sont également dans les trains, ou à d'autres entrepreneurs. Soyez visionnaires…

dimanche 8 février 2009

L'épuisement des ressources planétaires commande plus de transports en commun


ILLUSTRATION - Nombre d'années avant l'épuisement de diverses ressources au niveau planétaire, en supposant une exploitation géologique égale à celle de 2006. Les données proviennent de l’US Geological Survey, du rapport BP Statistical Review of World Energy, June 2008 et d'un article de Paul Mobbs sur les réserves d’uranium. Graphique tiré de Rouler sans pétrole.

Même si les voitures à motorisation électrique sont beaucoup plus efficaces que les voitures traditionnelles, il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas très sage de déplacer constamment un véhicule de 1500 kg pour transporter une personne de 75 kg. Il ne faut pas considérer seulement la consommation de pétrole des véhicules. Il faudra aussi se montrer très vigilants sur la consommation des métaux dont plusieurs vont disparaître dans quelques décennies, si on continue à les exploiter aux taux actuels (voir le graphique plus haut).

Face à ce constat sur les ressources planétaires, l’auteur de ces billets est convaincu qu’un véritable développement durable des transports routiers passe par un investissement très important dans les transports en commun, que nos gouvernements ont le devoir d’améliorer, pour attirer une plus grande clientèle. Le covoiturage et les voitures urbaines communautaires électriques sont d’autres éléments très importants pour nous aider à éliminer notre dépendance au pétrole tout en diminuant notre consommation de matières premières. Le vélo et la marche complètent bien l’ensemble des moyens écologiques responsables. Mais, il va falloir également repenser l’étalement urbain, favoriser les semaines de 4 jours et le télétravail.

Pour minimiser la consommation de matières premières dans la construction des véhicules comme tels, le groupe de traction à moteurs-roues est celui qui permet la plus grande économie, comme nous le verrons dans un autre billet. Sans compter que les moteurs-roues sont idéaux pour le transport en commun urbain, puisqu’ils permettent aux autobus de récupérer le maximum d’énergie lors de leurs nombreux freinages, ce qui réduit au maximum leur consommation d’énergie. En fait, les autobus constituent probablement les véhicules qui bénéficieraient le plus de la technologie des moteurs-roues.

Les piles à combustible et l'hydrogène pour les voitures, une voie sans issue

ILLUSTRATION - Comparaison entre la chaîne de transformation et de distribution de l'énergie pour les véhicules à PAC-hydrogène, à droite, et la chaîne pour les véhicules électriques à batterie, à gauche. Les voitures à PAC-hydrogène consomment 3 fois plus d'électricité que les voitures électriques ou hybrides branchables en mode électrique. Illustration tirée de mon dernier livre Rouler sans pétrole.

L’hydrogène et les piles à combustible (PAC) nous ont été présentés depuis le milieu des années 1990 comme la solution miracle aux problèmes de pollution causés par les véhicules automobiles, car seule de la vapeur d’eau sort du tuyau d’échappement. Par ailleurs, sachant que 96 % de l’hydrogène est produit présentement à partir des carburants fossiles, les pétrolières et les gazières voient nécessairement d’un bon oeil l’arrivée d’une économie hydrogène.

Les principaux avantages de l’hydrogène mis de l’avant sont la possibilité de faire le plein en moins de 10 minutes et d’offrir une autonomie de 500 km environ, contrairement aux batteries qui prenaient plusieurs heures pour leur recharge et limitent l’autonomie d’une voiture électrique à une distance de l’ordre de 200 km. Toutefois, depuis 2007 les nouvelles batteries au titanate de lithium, comme celles d’Altairnano ou Toshiba, peuvent également être rechargées en moins de 10 minutes. De plus, une voiture hybride branchable peut également faire le plein de carburant en moins de 10 minutes pour une autonomie de 700 km, tout en faisant la grande majorité de notre kilométrage avec l’électricité du réseau.

N’oublions pas que l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel sur la Terre. Il est associé, entre autres, à l’oxygène pour former de l’eau et au carbone pour former des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) ou du charbon. Pour se procurer de l’hydrogène, il faut d’abord le séparer des molécules où il se trouve, ce qui consomme de l’énergie et produit du CO2 si on utilise des carburants fossiles comme source d’hydrogène.

Malgré que certains fabricants d’automobiles aient fabriqué de belles voitures à PAC-hydrogènes fonctionnelles et sans émissions au lieu d’utilisation, l’hydrogène n’est pas aussi bénéfique qu’on le dit. Plusieurs experts, dont Ulf Bossel, ont démontré que l’économie hydrogène n’était pas réellement viable et qu’on s’éloignait du développement durable en prenant cette filière. Les principales raisons en sont (voir Rouler sans pétrole pour plus de détails):

  • Lorsque l’hydrogène est produit par reformage du gaz naturel et l’électricité dans une centrale électrique au gaz naturel, une voiture à PAC émet alors 50 % plus de CO2 qu’une voiture électrique à batterie ou qu’une voiture hybride branchable en mode électrique.
  • Lorsque l’hydrogène est produit par électrolyse de l’eau en utilisant des énergie renouvelables (donc pas d’émissions de CO2) les véhicules à PAC consomment trois fois plus d’électricité que les véhicules électriques à batterie ou les véhicules hybrides branchables.
  • Il faudrait investir des centaines de milliards de dollars pour mettre en place un réseau de distribution de l’hydrogène.
  • Faire le plein d’hydrogène coûterait au moins cinq fois plus cher que faire le plein d’électricité. C’est environ 15 fois plus cher aujourd’hui.
  • L’aspect explosif de ce gaz rend problématique une distribution sécuritaire à grande échelle, alors que le commun des mortels devrait faire le plein. De plus, pour ravitailler une station service, on a besoin de 15 camions d’hydrogène comprimé pour remplacer un camion d’essence, ce qui ajoute aux dangers sur les routes.
  • Le développement des véhicules à PAC est en retard de dix ans sur les véhicules hybrides électriques branchables. Ainsi, les véhicules à PAC ne présentant aucun avantage particulier, au contraire, cela rend très improbable une pénétration significative du marché.
Il est plus que temps de tourner la page de la «dépense hydrogène» pour mettre en place rapidement une véritable «économie de l’électron (vert)».

samedi 7 février 2009

Du gaz naturel ou de l'électricité pour les véhicules? Le Plan Pickens


ILLUSTRATION - Centrale au gaz naturel de Currant Creek en Utah, photo de David Jolley, 2007, Wikipedia, Creative Commons

Depuis 2008, T. Boone Pickens, un multimilliardaire du pétrole et du gaz naturel, fait parler de lui avec son plan, le Plan Pickens, pour réduire les importations de pétrole des Etats-Unis en utilisant du gaz naturel dans des véhicules à moteur thermique spécialement adaptés, comme la Honda Civic GX . De telles voitures émettent environ 20% moins de CO2 qu’une voiture équivalente à essence. Par contre, l’autonomie des voitures au gaz naturel comprimé n'est que de 300 km sur un plein.

Le Plan Pickens est simple, il consiste à fermer la majorité des centrales au gaz naturel aux États-Unis d’ici 10 ans et à utiliser le gaz devenu disponible pour faire fonctionner les moteurs à combustion interne des véhicules routiers. Dans son plan, les centrales au gaz naturel sont remplacées par des éoliennes, qui peuvent fournir jusqu’à 20% de l’énergie électrique des États-Unis, selon les experts, alors que les centrales au gaz naturel en fournissent présentement 22%. Le Plan Pickens permettrait de sauver jusqu'à 38% des importations de pétrole des États-Unis, selon son auteur.

À première vue ça semble intéressant, car on ne consomme pas plus de gaz naturel, on diminue la consommation de pétrole et on augmente l’énergie renouvelable, tout en faisant fonctionner l’économie étatsunienne, et en consolidant la sécurité énergétique des États-Unis! Ça c’est du lobby intelligent!

Maintenant que vous connaissez l’opinion d’un magna du pétrole et du gaz naturel, le Plan Pickens, voici l’opinion d’un homme INDÉPENDANT au niveau de vie modeste, qui a fouillé en profondeur la problématique du pétrole dans les transports routiers et les solutions alternatives. Il s’agit du «Plan Langlois» que vous avez sous la main dans mon dernier livre Rouler sans pétrole, aux Éditions MultiMondes (novembre 2008).

Tout d’abord, je n’ai évidemment rien contre le fait de construire des éoliennes. Par contre, il est de beaucoup préférable de consommer le gaz naturel dans les centrales électriques que dans les véhicules routiers. En effet, en conservant les centrales au gaz naturel, on va se retrouver avec 20% de plus d’électricité générée par les éoliennes. Or, dans «Rouler sans pétrole» je démontre qu’avec 20% de plus d’électricité aux États-Unis, c’est suffisant pour faire parcourir 70% des kilomètres, en moyenne, à d’éventuels véhicules électriques ou hybrides branchables.

On pourrait donc diminuer deux fois plus les importations de pétrole des Etats-Unis avec des véhicules hybrides électrique branchables ou tout électrique, au lieu que d’utiliser des véhicules au gaz naturel, comme le recommande M. Pickens ! Sans compter que pour distribuer le gaz naturel aux véhicules il faut encore implanter une nouvelle infrastructure de distribution de ce gaz comprimé ou liquéfié, alors que les réseaux électriques et les stations-service actuelles sont déjà en place pour les véhicules hybrides électriques branchables.

La morale de cette histoire est qu’il faut toujours voir au delà des apparences, et être vigilants avec les lobbies du pétrole et du gaz naturel.